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Vers la flamme

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Vladimir Jurowski – le feu.

Le dernier concert parisien du LPO, le 21 mai 2011, m’avait rappelé deux évidences : 1/ que fort de bientôt quatre vingts ans d’existence, le London Philharmonic figurait au rang des tous meilleurs orchestres au monde ; 2/ que son Principal Conductor, le pas encore quadra Vladimir Jurowski, était sans contestation l’un des tous meilleurs chefs qui m’ait été donné de voir dans ma jeune existence de mélomane – le plus impressionnant, en tout cas. La soirée du lundi 11 juin 2012, elle, m’a surtout fait saisir le degré d’accomplissement musical que peut offrir la parfaite symbiose d’un chef et de ses musiciens. Le concert cesse alors d’être l’enchaînement mécanique d’entrées et de sorties de scène, de notes et d’applaudissements. Voilà qu’il se pare d’une épaisseur, qu’il appelle l’analyse, qu’il invite à résoudre une énigme. S’esquisse une autre dimension de la pratique musicale – laquelle n’est plus une simple émotion mais un discours – qui laisse le bloggeur amateur que je suis à la fois fasciné et frustré – de vouloir sans savoir dire.

J’admire Vladimir Jurowski depuis un autre de ses concerts parisiens, intégralement consacré à Beethoven et (remarquablement) capté en février 2010, où sa battue sèche et ses gestes tranchants m’avaient déjà beaucoup séduit. Trois ans plus tôt, le LPO l’avait choisi comme Principal Conductor, distinguant une carrière déjà bien remplie – ou plus exactement un parcours exemplaire, digne des kapellmeister du siècle dernier, entamé dans la fosse des festivals et celle des vénérables maisons d’opéra comme le Teatro Comunale de Bologne. Depuis 2001, Jurowski est le directeur musical du Festival de Glyndebourne où sera donné cette saison la Petite Renarde rusée de Leoš Janáček, dont la Suite ouvrait ce nouveau concert au TCE. Attaquée à rebrousse-poils par des pupitres de cordes assez rêches (nonobstant les belles interventions du konzertmeister, Pieter Schoeman), la fable du compositeur tchèque rappela davantage Bartók et son Prince de bois, et si jusque dans le moindre pizzicato des basses l’engagement ne faiblit jamais, cela se fit au détriment d’une petite harmonie gobée par les grands prédateurs de la formations – les cuivres en tête. La mise en place n’en reste pas moins stupéfiante – le lyrisme attendra.

Truls Mørk, saisissant d’évidence

Le Concerto pour violoncelle de Dvořák qui suivit ne saurait être comparé qu’à une seule exécution d’une autre partition concertante dédiée à l’instrument : l’opus 126 de Chostakovitch sous les doigts de Natalia Gutman accompagnée par Temirkanov et le Philharmonique de Saint-Pétersbourg au mois de novembre dernier. Je me retrouve une nouvelle fois tout proche du soliste, le norvégien Truls Mørk – la concentration qui se lit sur son visage est d’ailleurs la même que celle du visage de Gutman, peut-être plus douloureuse, cependant. Quelques instants plus tôt, le hautboïste (Ian Hardwick – si j’en crois le site internet de la formation) donne le la avant d’égrener dans la foulée les trois autres notes de l’introduction de l’Allegro – grand sourire des collègues. Ces premières mesures jusqu’à l’entrée du soliste sont sans doute ce que j’ai entendu de plus beau en matière d’accompagnement orchestral. La suite ? Une lecture stupéfiante d’une œuvre que Mørk investit d’une énergie inouïe. La sonorité instrumentale est presque ascétique à force de tracer les lignes de chant à la pointe sèche, évoquant Starker plutôt que Fournier. Le premier mouvement accumule une tension qui ne se relâche que quelques secondes après le début de l’Adagio. Le poids des notes s’évapore en l’espace de quelques notes impalpables – le simple écho de la mélodie qui inspire le second volet tout entier. On en devine presque instantanément quel sera le rappel du soliste : El Cant dels Ocells, transcrit par Casals. Et voilà que le temps s’arrête l’espace d’une cadence ou dans des prodiges d’harmonie orchestrale, comme si l’air s’était soudainement raréfié, dans un silence qui est loin d’être courant au TCE.

Ce compte rendu pourrait en fin de compte s’arrêter sur ce prodigieux exemple de dialogue concertant poussé à un degré tel qu’en dire plus reviendrait à s’éloigner du nœud du problème. Accumuler les indices ne résoudra pas le mystère par lequel la flamme d’un concert continue de vivre en nous bien après y avoir jailli – même (et surtout ?) s’il figurait à son programme l’œuvre d’un compositeur avec lequel nous ne nous sentons pas forcément beaucoup d’affinités. De la Première Symphonie de Bruckner, j’avoue n’être guère resté qu’au seuil, ne distinguant tout au plus qu’une anticipation de la Sixième Symphonie de Mahler dans la marche scandée par les basses. Mais qu’importe. Si le Petit Concertorialiste lit par hasard ces lignes (lui qui a souvent apprécié les prestations de Jurowski), j’espère qu’il aura l’occasion de dire au sujet de ce remarquable concert ce dont un esprit profane (le mien) ne peut avoir au mieux que la fragile intuition – l’écho diffus que l’oreille n’entend pas…

(Leoš Janáček : Suite de La Petite Renarde rusée, Antonin Dvořák : Concerto pour violoncelle en si mineur, Anton Bruckner : Symphonie n°1 ; Vladmir Jurowski, Truls Mørk, the London Philharmonic Orchestra ; TCE, le 11/06/12)



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